Mon enfance aux Gaumes par Brigitte
Mon enfance aux Gaumes
1950, j’ai 4 ans, je vis dans la grande maison des Gaumes entourée et choyée par mes parents, mes grands frère et sœurs, l’oncle Guy, l’oncle Paul et Mélina.
Au Chalet vivent Bon-Papa, Bonne-Maman, l’oncle Robert et Nathalie.
Dans la maison du haut vivent l’oncle Pierre (mon parrain) et tante Marie de Lancesseur qui sont à la retraite.
L’oncle Guy et l’oncle Paul travaillent avec Papa sur la propriété. Ils prennent tous leurs repas avec nous mais ont chacun une chambre côté ferme dans la maison qui est celle de Micheline actuellement. Dans l’étable en face de cette ferme se trouvent les vaches ainsi que la réserve de foin de l’année, sur le côté les petites écuries avec deux cochons et Magali la jument. Un peu plus haut , se trouvent un poulailler et des cabanes à lapins ainsi qu’un bâtiment surnommé (énigmatiquement à mes oreilles) « l’Infirmerie » dont la toiture est à moitié effondrée. On y entrepose les machines agricoles et les bottes de paille. Les moutons sont dans la bergerie c’est-à-dire dans la grange de la petite maison des Lancesseur.
Le Chalet est à mes yeux une très belle maison avec un certain standing. Que cette véranda est chic avec toutes ces fenêtres à petits carreaux donnant sur la vallée ! et les allées qui entourent le Chalet comme elles sont impeccables ! et les jolis petits buis tout ronds si bien taillés ! tout ceci grâce au travail régulier et quotidien de l’oncle Robert frère de Bon-Papa.
C’est la vie à la campagne, il n’y a pas de classe maternelle et je vis avec toutes ces grandes personnes. J’ai beaucoup d’admiration pour mes grands frère et sœurs mais étant pensionnaires ils ne sont pas souvent à la maison pendant l’année. Un soir peu après mon anniversaire de 4 ans, je dois coucher dans la chambre de Micheline qui est le petit salon actuel et le lendemain matin en me réveillant Micheline m’annonce : « tu as une nouvelle petite sœur, elle s’appelle Véronique et c’est Mélina qui en arrivant l’a apportée dans sa valise » !! Et voilà la famille s’est encore agrandie pour la dernière fois de cette génération.
Mélina est donc revenue au service de mes parents et comme les autres je vais beaucoup m’y attacher. Je passe des heures dans la cuisine qui est une pièce très animée. Tous les soirs vers 19h l’oncle Guy et l’oncle Paul apportent les seaux de lait frais tout juste trait des vaches, et à peu près en même temps, Nathalie arrive du Chalet afin de remplir le petit bidon de lait en fer blanc. Elle en profite pour s’asseoir sur un tabouret en face de Mélina et là le bavardage en patois commence, j’écoute, je ne comprends pas grand chose sauf quand Nathalie s’en va en disant : »Bon cheï a doumo mati ».
Les saisons, les années s’écoulent, les Gaumes sont mon univers puis l’école à Eglise-Neuve à l’âge de 6 ans. Je commence par y aller à pieds (2km )en compagnie de Maman et d’Irène. Afin que les kilomètres ne pèsent pas trop sur mes petites jambes je reste déjeuner à l’école en emportant de la maison des tartines de beurre et sardines à l’huile écrasées. L’hiver Madame Chalard (l’institutrice )nous donne pour commencer une soupe au vermicelle. Lors de ce premier trimestre scolaire, Christian d’Abzac étant en pension au Chalet, vient aussi à l’école avec nous. Chemin faisant, il me tarabuste parce que je n’avance pas assez vite ou alors il me devance puis se cache et lorsque j’arrive à sa hauteur il sort subitement du bois en criant et en me faisant peur et je finis sûrement par pleurnicher. Puis, c’est Irène qui prend le relais et me porte sur son porte-bagages de vélo. Arrivée à l’école, je suis assez terrorisée par madame Chalard qui a une voix affreusement criarde. Enfin pour mes 7 ans, je reçois un vélo vert que j’adopte immédiatement. A partir de ce moment là, Irène et moi faisons les trajets 4 fois par jour. Le soir en rentrant de l’école, au milieu de la côte, nous jetons nos vélos sur le bord de la route et nous nous mettons à faire des singeries en imitant les faits et gestes de notre maîtresse en éclatant de rire de nos bêtises ; bonne façon de se défouler après la discipline de la journée ! Aux Gaumes après le goûter, Maman nous fait un peu travailler autour de la table de la salle à manger sur la couverture marron sur laquelle elle fait de la couture chaque jour. Le travail scolaire terminé, nous filons au Chalet dans la cuisine de Nathalie. Là ce sont des parties de marelle dessinées à la craie sur le carrelage ou bien même quelquefois des jeux de cache-cache, en tout cas des fous rires assurés avec Nathalie qui rit encore plus que nous.
Presque tous les jours en rentrant de l’école, nous nous arrêtons chez tante Marie de Lancesseur à laquelle nous devons dire la formule magique : « Bonjour tante Marie, merci tante Marie (car elle nous donne un bonbon) au revoir tante Marie » c’est rituel et elle est très exigeante sur la politesse.
Une fois par semaine Nathalie et Mélina font la lessive dans la buanderie où le linge boue dans de grandes lessiveuses dans la cheminée. Puis Nathalie descend les grands draps blancs sur une brouette pour les rincer dans la fontaine de l’étang, j’aime bien l’accompagner c’est une grande ballade mais la remontée est très dure pour cette pauvre Nathalie et l’on doit faire plusieurs arrêts pour se reposer.
De temps en temps, Papa et Maman donnent de grands dîners. Alors quelle excitation ! je suis dans la cuisine avec Mélina qui elle, est « dans ses petits souliers » je regarde par l’entre-baillement de la porte les invités qui arrivent et surtout je suis en admiration devant Guy Besse le fils de Mélina qui est là pour servir à table ; il est si beau et si bien habillé !
Les vendanges sont également une période de grande effervescence aux Gaumes. Par un beau jour de septembre tout le monde s’apprête à monter à la vigne qui a déjà des couleurs dorées ; le tracteur bien chargé se met en route de bonne heure et au travail pour toute la journée !. A la fin c’est l’oncle Paul qui est désigné pour descendre pieds nus dans la grande cuve de la grange afin de piétiner le raisin fraîchement coupé. Il en est de même pour les moissons où beaucoup de voisins sont recrutés pour aider. Le repas est copieux et se passe dans le garage et en général il y a des petites poires cuites au vin pour le dessert.
Aux Gaumes à cette époque, nous dormons Véronique et moi dans la petite chambre donnant sur la cour sans chauffage bien sûr ! alors en hiver nous avons le privilège d’avoir chacune notre bouillotte puisque nous sommes plutôt gâtées. J’aime beaucoup quand mes grandes sœurs viennent nous dire bonsoir dans notre petite chambre particulièrement Ghislaine qui est peut-être la plus présente en ce temps là. Et c’est à l’occasion d’un de ces baisers du soir qu’une fois elle me promet que je serai la marraine de son troisième enfant ( c’est arrivé et ce fut Luc !).
J’ai 8 ans quand Nanik débarque un jour avec ses amis hollandais. Je suis intimidée par l’amie hollandaise qui ne parle pas français et en repassant sa robe du soir dans la salle de bain, Nanik me dit : « tu sais tu peux me dire ce que tu veux, elle ne comprend pas » j’étais innocente et sidérée car c’était la première fois que j’entendais une langue étrangère en l’occurrence l’anglais.
Quand enfin les grandes vacances arrivent c’est la joie à l’idée de pouvoir jouer avec tous les cousins débarquant du Maroc. Christine ma chère cousine un peu trop fière et dédaigneuse en arrivant au Chalet se pavane autour de la « mercedes » de son père pour nous la vanter ! Mais elle est vite dans le bain des Gaumes et là comme à toutes les générations ce sont les constructions d’innombrables cabanes, les cache-cache, les sauts dans le foin, les sauts par-dessus les barrières pour aller gambader dans les prés, les ballades en vélo etc…Souvent nous abîmons les bottes de foin ou de paille ou les barrières à moutons et l’oncle Paul fait le « gendarme » en criant après nous de façon très désagréable mais ce n’est pas lui le maître aussi mes cousins le détestent, moi je suis plus partagée car c’est quand même le frère de Maman !
Bon-Papa meurt en 1954 ; je suis au courant mais on ne m’emmène pas à l’enterrement. Après, j’entends seulement que madame Grenier, la garde-malade de Bon-Papa est partie en ayant volé des choses.
J’ai aussi 8 ans lors du mariage de Ghislaine ; c’est l’hiver, il fait très froid et il y a de la neige. Nous sommes demoiselles d’honneur et nous avons des jolies robes en velours bleu-roi. En octobre 1955 c’est le double mariage de Nicole et Micheline. Il fait très beau, c’est la fête et nous nous amusons beaucoup. Au milieu du goûter sur la terrasse, un télégramme tombe et l’on vient me dire : « Ghislaine vient d’avoir un bébé qui s’appelle Hugues et te voici tante pour la première fois » et comme vous le savez mes nombreux neveux et nièces ont vite suivi pour ma plus grande joie.
Encore une année scolaire à Eglise-Neuve puis le départ pour la pension à Périgueux ce qui veut dire que la vie à temps plein aux Gaumes est à peu près terminée.
Brigitte
1950, j’ai 4 ans, je vis dans la grande maison des Gaumes entourée et choyée par mes parents, mes grands frère et sœurs, l’oncle Guy, l’oncle Paul et Mélina.
Au Chalet vivent Bon-Papa, Bonne-Maman, l’oncle Robert et Nathalie.
Dans la maison du haut vivent l’oncle Pierre (mon parrain) et tante Marie de Lancesseur qui sont à la retraite.
L’oncle Guy et l’oncle Paul travaillent avec Papa sur la propriété. Ils prennent tous leurs repas avec nous mais ont chacun une chambre côté ferme dans la maison qui est celle de Micheline actuellement. Dans l’étable en face de cette ferme se trouvent les vaches ainsi que la réserve de foin de l’année, sur le côté les petites écuries avec deux cochons et Magali la jument. Un peu plus haut , se trouvent un poulailler et des cabanes à lapins ainsi qu’un bâtiment surnommé (énigmatiquement à mes oreilles) « l’Infirmerie » dont la toiture est à moitié effondrée. On y entrepose les machines agricoles et les bottes de paille. Les moutons sont dans la bergerie c’est-à-dire dans la grange de la petite maison des Lancesseur.
Le Chalet est à mes yeux une très belle maison avec un certain standing. Que cette véranda est chic avec toutes ces fenêtres à petits carreaux donnant sur la vallée ! et les allées qui entourent le Chalet comme elles sont impeccables ! et les jolis petits buis tout ronds si bien taillés ! tout ceci grâce au travail régulier et quotidien de l’oncle Robert frère de Bon-Papa.
C’est la vie à la campagne, il n’y a pas de classe maternelle et je vis avec toutes ces grandes personnes. J’ai beaucoup d’admiration pour mes grands frère et sœurs mais étant pensionnaires ils ne sont pas souvent à la maison pendant l’année. Un soir peu après mon anniversaire de 4 ans, je dois coucher dans la chambre de Micheline qui est le petit salon actuel et le lendemain matin en me réveillant Micheline m’annonce : « tu as une nouvelle petite sœur, elle s’appelle Véronique et c’est Mélina qui en arrivant l’a apportée dans sa valise » !! Et voilà la famille s’est encore agrandie pour la dernière fois de cette génération.
Mélina est donc revenue au service de mes parents et comme les autres je vais beaucoup m’y attacher. Je passe des heures dans la cuisine qui est une pièce très animée. Tous les soirs vers 19h l’oncle Guy et l’oncle Paul apportent les seaux de lait frais tout juste trait des vaches, et à peu près en même temps, Nathalie arrive du Chalet afin de remplir le petit bidon de lait en fer blanc. Elle en profite pour s’asseoir sur un tabouret en face de Mélina et là le bavardage en patois commence, j’écoute, je ne comprends pas grand chose sauf quand Nathalie s’en va en disant : »Bon cheï a doumo mati ».
Les saisons, les années s’écoulent, les Gaumes sont mon univers puis l’école à Eglise-Neuve à l’âge de 6 ans. Je commence par y aller à pieds (2km )en compagnie de Maman et d’Irène. Afin que les kilomètres ne pèsent pas trop sur mes petites jambes je reste déjeuner à l’école en emportant de la maison des tartines de beurre et sardines à l’huile écrasées. L’hiver Madame Chalard (l’institutrice )nous donne pour commencer une soupe au vermicelle. Lors de ce premier trimestre scolaire, Christian d’Abzac étant en pension au Chalet, vient aussi à l’école avec nous. Chemin faisant, il me tarabuste parce que je n’avance pas assez vite ou alors il me devance puis se cache et lorsque j’arrive à sa hauteur il sort subitement du bois en criant et en me faisant peur et je finis sûrement par pleurnicher. Puis, c’est Irène qui prend le relais et me porte sur son porte-bagages de vélo. Arrivée à l’école, je suis assez terrorisée par madame Chalard qui a une voix affreusement criarde. Enfin pour mes 7 ans, je reçois un vélo vert que j’adopte immédiatement. A partir de ce moment là, Irène et moi faisons les trajets 4 fois par jour. Le soir en rentrant de l’école, au milieu de la côte, nous jetons nos vélos sur le bord de la route et nous nous mettons à faire des singeries en imitant les faits et gestes de notre maîtresse en éclatant de rire de nos bêtises ; bonne façon de se défouler après la discipline de la journée ! Aux Gaumes après le goûter, Maman nous fait un peu travailler autour de la table de la salle à manger sur la couverture marron sur laquelle elle fait de la couture chaque jour. Le travail scolaire terminé, nous filons au Chalet dans la cuisine de Nathalie. Là ce sont des parties de marelle dessinées à la craie sur le carrelage ou bien même quelquefois des jeux de cache-cache, en tout cas des fous rires assurés avec Nathalie qui rit encore plus que nous.
Presque tous les jours en rentrant de l’école, nous nous arrêtons chez tante Marie de Lancesseur à laquelle nous devons dire la formule magique : « Bonjour tante Marie, merci tante Marie (car elle nous donne un bonbon) au revoir tante Marie » c’est rituel et elle est très exigeante sur la politesse.
Une fois par semaine Nathalie et Mélina font la lessive dans la buanderie où le linge boue dans de grandes lessiveuses dans la cheminée. Puis Nathalie descend les grands draps blancs sur une brouette pour les rincer dans la fontaine de l’étang, j’aime bien l’accompagner c’est une grande ballade mais la remontée est très dure pour cette pauvre Nathalie et l’on doit faire plusieurs arrêts pour se reposer.
De temps en temps, Papa et Maman donnent de grands dîners. Alors quelle excitation ! je suis dans la cuisine avec Mélina qui elle, est « dans ses petits souliers » je regarde par l’entre-baillement de la porte les invités qui arrivent et surtout je suis en admiration devant Guy Besse le fils de Mélina qui est là pour servir à table ; il est si beau et si bien habillé !
Les vendanges sont également une période de grande effervescence aux Gaumes. Par un beau jour de septembre tout le monde s’apprête à monter à la vigne qui a déjà des couleurs dorées ; le tracteur bien chargé se met en route de bonne heure et au travail pour toute la journée !. A la fin c’est l’oncle Paul qui est désigné pour descendre pieds nus dans la grande cuve de la grange afin de piétiner le raisin fraîchement coupé. Il en est de même pour les moissons où beaucoup de voisins sont recrutés pour aider. Le repas est copieux et se passe dans le garage et en général il y a des petites poires cuites au vin pour le dessert.
Aux Gaumes à cette époque, nous dormons Véronique et moi dans la petite chambre donnant sur la cour sans chauffage bien sûr ! alors en hiver nous avons le privilège d’avoir chacune notre bouillotte puisque nous sommes plutôt gâtées. J’aime beaucoup quand mes grandes sœurs viennent nous dire bonsoir dans notre petite chambre particulièrement Ghislaine qui est peut-être la plus présente en ce temps là. Et c’est à l’occasion d’un de ces baisers du soir qu’une fois elle me promet que je serai la marraine de son troisième enfant ( c’est arrivé et ce fut Luc !).
J’ai 8 ans quand Nanik débarque un jour avec ses amis hollandais. Je suis intimidée par l’amie hollandaise qui ne parle pas français et en repassant sa robe du soir dans la salle de bain, Nanik me dit : « tu sais tu peux me dire ce que tu veux, elle ne comprend pas » j’étais innocente et sidérée car c’était la première fois que j’entendais une langue étrangère en l’occurrence l’anglais.
Quand enfin les grandes vacances arrivent c’est la joie à l’idée de pouvoir jouer avec tous les cousins débarquant du Maroc. Christine ma chère cousine un peu trop fière et dédaigneuse en arrivant au Chalet se pavane autour de la « mercedes » de son père pour nous la vanter ! Mais elle est vite dans le bain des Gaumes et là comme à toutes les générations ce sont les constructions d’innombrables cabanes, les cache-cache, les sauts dans le foin, les sauts par-dessus les barrières pour aller gambader dans les prés, les ballades en vélo etc…Souvent nous abîmons les bottes de foin ou de paille ou les barrières à moutons et l’oncle Paul fait le « gendarme » en criant après nous de façon très désagréable mais ce n’est pas lui le maître aussi mes cousins le détestent, moi je suis plus partagée car c’est quand même le frère de Maman !
Bon-Papa meurt en 1954 ; je suis au courant mais on ne m’emmène pas à l’enterrement. Après, j’entends seulement que madame Grenier, la garde-malade de Bon-Papa est partie en ayant volé des choses.
J’ai aussi 8 ans lors du mariage de Ghislaine ; c’est l’hiver, il fait très froid et il y a de la neige. Nous sommes demoiselles d’honneur et nous avons des jolies robes en velours bleu-roi. En octobre 1955 c’est le double mariage de Nicole et Micheline. Il fait très beau, c’est la fête et nous nous amusons beaucoup. Au milieu du goûter sur la terrasse, un télégramme tombe et l’on vient me dire : « Ghislaine vient d’avoir un bébé qui s’appelle Hugues et te voici tante pour la première fois » et comme vous le savez mes nombreux neveux et nièces ont vite suivi pour ma plus grande joie.
Encore une année scolaire à Eglise-Neuve puis le départ pour la pension à Périgueux ce qui veut dire que la vie à temps plein aux Gaumes est à peu près terminée.
Brigitte